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Ne pas revenir sur les seuils sociaux, c’est adopter une position de non-assistance à l’économie en danger

Ne pas revenir sur les seuils sociaux, c’est adopter une position de non-assistance à l’économie en danger

Entretien avec Guillaume Cairou, Président du Club des Entrepreneurs, PDG fondateur du groupe Didaxis

Ce 9 octobre, les partenaires sociaux – organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) et organisations syndicales représentatives (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE, CGC) – se sont réunies en vue de la négociation sur le dialogue social comprenant l’épineuse réforme des seuils sociaux. EN effet, les entreprises sont soumises à diverses obligations selon leur taille. Une quinzaine de seuils, dont les plus importants sont les seuils de dix et cinquante salariés, déclencheraient une centaine de règlementations sociales, fiscales… Selon Guillaume Cairou, président du Club des Entrepreneurs, président-directeur général fondateur du groupe Didaxis, ces seuils sociaux qu’il considère comme « totalement déconnectés des réalités économiques actuelles » entravent le développement des entreprises françaises.

Les petites affiches : Vous estimez que les seuils sociaux entravent le développement des entreprises françaises. Pourquoi ?

Guillaume Cairou – Ces seuils apparaissent aujourd’hui totalement déconnectés des réalités économiques actuelles et des bouleversements suscités par la mondialisation des échanges économiques. Ils sont inadaptés à la compétition économique internationale.

Comment dès lors se soustraire au questionnement ? Comment dès lors ne pas comprendre que ces seuils sociaux sont des repoussoirs à l’embauche ? Tel l’épouvantail pour les oiseaux qui est tantôt un repoussoir, tantôt un perchoir, on a trop longtemps fait croire aux Français que les seuils sociaux pourraient constituer un perchoir pour les salariés, ils se sont révélés être des repoussoirs à salariés !

La foule de contraintes associées aux seuils rendent leur franchissement si difficile que la plupart de nos entrepreneurs sont aujourd’hui à la tête de cinq entreprises de neuf salariés chacune !

Les petites affiches : Que préconisez-vous ?

Guillaume Cairou – Revenir sur ces seuils sociaux est indispensable si l’on veut que les petites et moyennes entreprises (PME) françaises grandissent, créent des emplois et gagnent des parts de marché à l’international. Tout ce qui peut concourir à faire sauter ces verrous à l’entrepreneuriat et à la croissance ne doit-il pas être tenté ?

Le passage de seuil de salariés entraîne nécessairement un surcoût qui fait hésiter un entrepreneur à embaucher. Même sans aller jusqu’à supprimer immédiatement ces seuils, il convient de réduire au moins de moitié le nombre d’obligations administratives liées aux seuils sociaux.

Les PME françaises peuvent prendre plus de poids dans l’économie, encore faut-il leur en donner la possibilité ! Il faut savoir que les seuils sociaux n’existent pas en Allemagne, ce qui permet d’expliquer en partie le développement rapide des PME outre-Rhin. Relever les seuils sociaux dans notre pays ce n’est rien de moins que de permettre l’émergence de grosses PME qui font la force des économies allemandes et nord-américaine.

Il est temps de lever les entraves au développement des PME, qui constituent le plus important gisement d’emplois en France.

L’élévation des seuils aiderait nos PME à grossir et à devenir plus compétitives. Cette mesure ne coûterait quasiment rien et rapporterait au contraire plusieurs milliards d’euros aux organismes sociaux qui sont aujourd’hui déficitaires.

Les petites affiches – Pourtant ces seuils ont été instaurés pour aider les plus petites entreprises qui ont ainsi moins de contraintes que les entreprises un peu plus importantes…

Guillaume Cairou – Je ne compte plus les entreprises qui sont potentiellement nos champions de demain mais qui sont entravées dans leur développement en devant se brider à 9 ou 49 salariés. Un constat aussi frappant que révélateur, surtout au regard de la faiblesse de notre tissu entrepreneurial qui est composé à plus de 98% de TPE-PME. Il faut bien mesurer que la France ne compte qu’à peine 500 entreprises de plus de 2 000 salariés sur son territoire. Non seulement l’accumulation des réglementations multiples liées au franchissement de certains seuils d’effectif salarié constitue le frein principal à la croissance des petites entreprises (à titre d’illustration, le recrutement d’un cinquantième salarié déclenche l’application de plus de soixante normes), mais surtout, cette accumulation explique cette particularité française d’un paysage entrepreneurial marqué pas une très forte proportion de très petites entreprises et une très faible proportion d’entreprises de taille intermédiaire.

Nous devons, nous entrepreneurs, avoir l’ambition d’agir en profondeur sur le financement des plus petits projets, la fiscalité de nos PME et les relations avec la puissance publique avec l’entreprise et nous réussirons à initier ce mouvement vers la croissance que nous cherchons tous… La plupart des mesures que nous appelons de nos voeux, à l’image du gel ou de la revalorisation des seuils sociaux, sont indolores pour le budget de la France et pourtant susceptibles de créer de la valeur et des emplois.

Dès lors, ne pas revenir sur les seuils sociaux, c’est adopter une position de non assistance à économie en danger.

Les petits affiches – Comment entendez-vous faire passer votre message et quel type de réforme attendez vous ?

Guillaume Cairou – Je compte répéter et répéter encore un message : j’ai confiance en l’intelligence collective, notre pays a tous les atouts pour réussir mais je suis convaincu que la crise va perdurer si nous n’envisageons pas un profond changement de notre modèle économique et social. Cela passe par des réformes structurelles qui deviennent de plus en plus incontournables. Ce sont nos entreprises et donc tous les Français qui paient les pots cassés. Ca suffit ! Laissons faire et écoutons les entreprises, ce sont elles qui créent l’emploi !

Propos recueillis par Valérie BOCCARA